La peinture du Montréalais d’origine haïtienne Manuel Mathieu happe le spectateur, le projetant dans un univers de contrastes, de dissonances, de tensions et de poésie. Le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) est fier d’accueillir ce créateur engagé dans le cadre de son premier solo au sein d’une institution muséale en Amérique. Survivance réunit une vingtaine de tableaux jamais présentés au Canada en plus d’une installation conçue spécialement pour le MBAM – où les racines et la mémoire de l’artiste se dévoilent peu à peu, ponctuant les compositions vives et saisissantes.
Artiste multidisciplinaire prolifique comptant parmi les lauréats du prix Sobey 2020, Mathieu est alimenté par son existence. Certaines de ses œuvres portent la marque de réflexions amorcées pendant des périodes de convalescence, à la suite de deux graves accidents subis à Londres et à Montréal. Ralentissement et confinement lui auront permis de grandir, d’être plus à l’écoute de ses émotions et, ainsi, de mieux comprendre sa place dans le monde et l’importance de préserver l’imaginaire de sa terre natale.
Ces révélations l’ont poussé à s’intéresser aux conséquences des dictatures génocidaires des Duvalier père et fils (1957 à 1986) sur son pays, Haïti. S’appuyant sur un héritage familial complexe et le contexte géopolitique haïtien, il aborde son identité sous différents angles : son grand-père maternel a été colonel durant les premières années du règne de Jean-Claude Duvalier, tandis que plusieurs membres de sa famille paternelle ont disparu pendant le régime. Mathieu, qui perçoit l’ère Duvalier comme un dommage collatéral de la guerre froide, ne se voit pas dans ce monde comme une île.
Le public découvrira dans Survivance une peinture fluide et expressive, quasi expressionniste, parfois abstraite, qui révèle des repères vaguement figuratifs. On y détecte une posture conceptuelle où les idées et les enjeux sont codés à travers différents signes, la composition des tableaux et une palette vive et contrastée – une invitation à pénétrer dans un univers vibrant de couleurs, de textures et de formes intrigantes.
Le titre de l’exposition est inspiré de l’ouvrage La survivance des lucioles (2009) de Georges Didi-Huberman, une lecture marquante pour Mathieu. La survivance et la résilience des lucioles, desquelles émane la lumière, sont représentées par l’auteur comme les clés de la vérité et de la liberté. Pour l’artiste, la « survivance » évoque l’âme de ceux qui disparaissent ou ce qu’il reste de cette dernière.
Manuel Mathieu (né en 1986), Nature at Work, 2018, techniques mixtes. Sheldon Inwentash and Lynn Factor, Toronto. Photo Guy L'Heureux
Manuel Mathieu (né en 1986), Rempart, 2018 techniques mixtes. Collection Joyner/Giuffrida. Photo Guy L'Heureux.
Manuel Mathieu (né en 1986), 38, 2018, techniques mixtes. Collection de Reuben O. Charles and Kimberly Charles. Photo Guy L'Heureux.
Manuel Mathieu (né en 1986), Solitude, 2018, techniques mixtes. Collection particulière. Photo Guy L'Heureux
Publication
En novembre 2020, un ouvrage de 170 pages accompagnera l’exposition, publié en français et en anglais par The Power Plant Contemporary Art Gallery, Toronto, en collaboration avec le MBAM, sous la direction d’Amin Alsaden et avec la participation de Sylvie Lacerte. Il sera en vente à la Boutique-Librairie du Musée.
Fonds Marie-Solange Apollon
Manuel Mathieu est aussi l’instigateur de la création d’un fonds voué à l’acquisition d’œuvres d’artistes québécois et canadiens émergents non ou sous représentés dans la collection du MBAM. C’est grâce à son don et à l’apport d’autres donateurs qui partagent sa vision que le fonds Marie-Solange Apollon a pu voir le jour. Il est dédié à une femme qui a occupé une place fondamentale dans la vie de l’artiste : sa grand-mère, décédée d’un cancer en 2016. Cette initiative, hommage à une aïeule bien-aimée, rappelle aussi à tous les artistes qui créent dans l’ombre que leurs histoires comptent.
Crédits et commissariat
Une exposition organisée par le Musée des beaux-arts de Montréal. Le commissariat est assuré par Sylvie Lacerte, conservatrice de l’art québécois et canadien contemporain, MBAM. Partenaire officiel : Cercle des Jeunes philanthropes du MBAM.