Annie Pootoogook était la fille de la graphiste Napachie Pootoogook (1938-2002) et la petite-fille de la célèbre artiste Pitseolak Ashoona (1904-1983). Comme ceux de sa mère et de sa grand-mère, ses dessins sont principalement autobiographiques. Née en 1969 à Cape Dorset, son « autobiographie » est forcément moderne, axée sur sa communauté et émaillée de commentaires sociaux.
Annie Pootoogook entreprend sa carrière en 1997 et se fait rapidement connaître pour ses dessins plutôt que ses estampes. Ses compositions, pour la plupart des intérieurs domestiques, présentent un mélange fascinant et provocateur d’émotions conflictuelles : intimité et voyeurisme; indifférence et sentiment; le banal et l’inquiétant. Son association à la galerie Feheley Fine Arts de Toronto lui vaut une exposition à la Power Plant Contemporary Art Gallery et le Prix Sobey pour les arts en 2006, puis une renommée internationale. Par malheur, elle se retrouve à vivre dans la rue à Ottawa, où elle meurt dans des ciconstances mystérieuses en 2016.
Du point de vue du style, les dessins d’Annie s’apparentent à ceux de son oncle Kananginak Pootoogook (1935-2010), sauf qu’elle décrit le présent et non le passé récent. Documentaire, son style emprunte parfois au caractère exhibitionniste de la « téléréalité » : la vie d’Annie se passe dans la cuisine (devant le réfrigérateur ou écoutant la radio); sur le plancher du salon (préparant du thé ou regardant la télé); et dans la chambre à coucher (faisant l’amour). L’artiste se représente ici vêtue d’un chandail en coton molletonné et les cheveux en queue de cheval, préparant du thé chaud non pas dans une tente mais sur le plancher de sa maison préfabriquée. Les spectateurs du sud ne se reconnaissent pas dans cette réalité inuite moderne hybride, vue au prisme du regard de l’artiste.