Les dessins au crayon de Qiu Jie font la synthèse entre photoréalisme occidental, propagande socialiste, perspective traditionnelle et calligraphie dans un mariage unique de styles chinois et occidental. Comme pour beaucoup de ses compatriotes artistes de sa génération, la Révolution culturelle a laissé chez lui une marque indélébile. Mao en hiver met en scène son sujet de prédilection, le chat qui permet un jeu de mots : le caractère « mao » (猫), signifiant « chat », est l’homophone de « mao » (毛), comme dans Mao Zedong. Ce chat au corps d’homme évoque la célèbre photographie de Mao prise par Hou Bo à Beidaihe, en 1954. Bien que l’animal soit considéré comme un bon présage, l’allusion au Grand Timonier prend ici un tour inattendu. Les éléments traditionnels mélangés aux contemporains disent l’essence chinoise de l’artiste, d’une grande pertinence dans la réalité interculturelle et loin des raccourcis géopolitiques. Les propres migrations de Qiu Jie transparaissent jusque dans sa signature, « ta xiang shan ren » (他鄉山人) ou « L’homme qui vient d’autres montagnes », autrement dit l’étranger. Cette interprétation de l’altérité puise dans l’expérience personnelle d’un Chinois établi en Suisse, ou encore d’un artiste transnational qui renoue avec les traditions de son pays natal.