Légaré, le premier peintre d’histoire né au pays, a puisé au répertoire d’autres artistes durant toute sa carrière, intégrant certains de leurs motifs à ses compositions originales. Dans cette première peinture profane connue, le personnage agenouillé au premier plan est emprunté à une gravure de Lucas Vorsterman, d’après un tableau de Pierre Paul Rubens, le Martyre de saint Laurent. Ici, seule la position de la main gauche est modifiée et le panier est remplacé par un brandon. Au premier plan à gauche, la figure de Talasco, chef iroquois et père de la martyre, rappelle également celle de la gravure. La figure de la martyre est calquée sur la Léda de la gravure Jupiter et Léda réalisée par Philippe Trière d’après un tableau d’Andrea del Sarto. Le motif de l’arbre, qui sert de repoussoir aux figures, évoque certaines œuvres de Salvator Rosa.
Le sujet de cette composition est tiré d’un extrait de l’Histoire et description générale de la Nouvelle-France (Paris, 1744) du jésuite Pierre-François-Xavier de Charlevoix (1682-1761) publié en 1827 dans La Bibliothèque canadienne. On y relate le martyre d’une jeune Iroquoise récemment convertie au catholicisme qui refuse d’abjurer sa nouvelle foi. Françoise se tourne vers son père et s’écrie : « […] une martyre chrétienne peut souffrir avec autant de courage que le plus fier captif de votre tribu », ce à quoi Talasco répond : « le pur sang des Iroquois coule dans ses veines : préparez le bûcher : les ombres de cette nuit couvriront ses cendres. » Excédé d’entendre sa fille continuer de prêcher le mérite de son supplice, à l’image de celui du Christ, Talasco « sauta sur le bûcher, et lui arrachant des mains le crucifix, il tira son couteau de son ceinturon, et lui fit sur le sein une incision en forme de croix. »