Rencontre avec...
Anne Queffélec
Anne Queffélec - Photo : Caroline Doutre
Olivier Godin, directeur artistique de la Salle Bourgie, a rencontré la grande pianiste française Anne Queffélec afin de parler de son concert qui aura lieu le 27 septembre 2022, à 19 h 30.
PROGRAMME
J. S. BACH
- Prélude de choral Nun komm' der Heiden Heiland, BWV 659 (arr. F. Busoni)
- Adagio du Concerto pour clavier en ré mineur, BWV 974, d'après le Concerto pour hautbois en ré mineur d'Alessandro Marcello
- Largo du Concerto pour orgue en ré mineur, BWV 596, d'après le Concerto pour deux violons en ré mineur d'Antonio Vivaldi
- Choral Jesus bleibet meine Freude, de la Cantate BWV 147 (arr. M. Hess)
D. SCARLATTI
- Sonate en si mineur, K. 27
- Sonate en mi majeur, K. 531
- Sonate en ré mineur, K. 32
HANDEL
- Menuet de la Suite pour clavier en si bémol majeur, HWV 434 (arr. Wilhelm Kempff)
- Chaconne en sol majeur, HWV 435
SCHUBERT
- Sonate pour piano en si bémol majeur, D. 960
Olivier G. Un grand merci Anne de nous accorder de votre temps afin de répondre à quelques questions. La première qui me vient en tête concerne la première partie de votre récital : quelles ont été les raisons du choix de ces œuvres ?
Anne Q. Il m'a semblé que les premières pièces ont en commun ce caractère de décantation intérieure, de méditation et de contemplation. Or, c'est une notion qui m’est très chère en musique. Mais comme on peut toujours craindre que le public tombe dans une sorte de douce somnolence, la dernière pièce de cette première partie, la Chaconne de Handel, est, quant à elle, remplie de cette vitalité qui caractérise son compositeur et d'une forme d'italianité, de soleil. Handel était, d'une certaine façon, un compositeur plus italien qu'allemand. Cette œuvre impulse donc une énergie et se termine par une montée en effervescence que j'ai pensée comme une sorte de surgissement de la lumière vive, afin de sortir le public de ce doux rêve dans lequel il était plongé avec les œuvres précédentes.
Olivier G. En seconde partie de ce récital, vous interpréterez la toute dernière sonate de Schubert, qui est un chef d'œuvre absolu du répertoire pianistique et que vous avez jouée souvent. Comment cette œuvre vous a-t-elle suivie durant votre carrière ?
Anne Q. Schubert compose cette sonate en septembre 1828, quatre mois avant de mourir. Ce qui me touche profondément chez lui, c’est qu’il est mort à 31 ans, il n'aura donc connu que la jeunesse. Il savait intérieurement qu'il avait peu de temps devant lui puisqu'il compose Le Roi des Aulnes à seulement 17 ans. Contrairement aux pièces de la première partie qui sont brèves, cette sonate est un voyage au long cours. Je pense qu'elle reste l'œuvre d'un jeune homme qui a compris ce qu’est la condition et la nature humaine, tout en ayant cette jeunesse en lui.
Et pour tout vous dire, m'est venue l'envie d’intituler cette sonate Semaine des quatre saisons. Le premier mouvement représenterait l’automne car il est chargé de nostalgie, avec peut-être le sentiment du regret tout en ayant aussi de très beaux moments de lumière. Le deuxième mouvement serait naturellement l'hiver puisqu'il y a ce chant extraordinairement poignant qui évoque la solitude. Et puis, le troisième mouvement, ce Scherzo Allegro vivace con delicatezza, c'est le printemps, c'est le Schubert qui aime la nature et qui se promène dans l'émerveillement des ruisseaux, des rivières, des arbres. Enfin, le dernier mouvement pourrait être l'été. Un été qui peut connaître des orages et une forme de vitalité. Il y a aussi des cours d'eau dans ce final avec des enchaînements de doubles croches très fluides, qui construisent, avec bonheur, une forme de délectation.
Je vous livre là mon propre voyage. Naturellement, chacun, en son for intérieur, habite la musique et la reçoit à sa manière. Le for intérieur est un grand mystère et fait partie des trésors à préserver et qui est aujourd’hui menacé à travers la surabondance des écrans.
Olivier G. Vous êtes venue pour la première fois à la Salle Bourgie en octobre 2018. C'est donc un retour pour vous. Comment avez-vous vécu cette expérience et comment anticipez-vous votre retour à Montréal ?
Anne Q. Je garde un souvenir tout à fait chaleureux et joyeux de tous mes voyages vers Montréal et le Québec en général. J'y ai fait des rencontres extraordinairement vivantes et authentiques, empreinte de cette chaleur humaine caractéristique de cette belle province. Je garde également le souvenir d'une très belle salle avec une forme d'intimité. Elle vous prend dans ses bras d'une certaine façon et on s'y sent bien, on s'y sent accueilli.
Écoutez Anne Queffélec au piano
Dans cet extrait, Anne Queffélec interprète la deuxième pièce au programme de son concert à la Salle Bourgie : l'Adagio du Concerto pour clavier en ré mineur, BWV 974, de J. S. Bach, d'après le Concerto pour hautbois en ré mineur d'Alessandro Marcello.
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