Rencontre avec...
Elisabeth St-Gelais
Elisabeth St-Gelais
Dans le cadre de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation le samedi 30 septembre prochain, la soprano innu Elisabeth St-Gelais interprétera en première mondiale la pièce Rien ne tuera ma lumière de la compositrice anishinaabe Barbara Assiginaak, sur un texte de la poétesse innu Maya Cousineau Mollen. Claudine Jacques, chargée du rayonnement institutionnel de la Salle Bourgie, l'a rencontrée.
Claudine J. Vos prestations s’inscrivent dans le cadre de la Journée de la vérité et de la réconciliation, et vous vous décrivez vous-même comme une soprano innu. Qu’est-ce que cette journée signifie pour vous ?
Elisabeth St-G. C’est significatif pour moi : en célébrant cette journée ensemble, autochtones et allochtones, c’est la preuve qu’on a fait un pas et qu’il y a des personnes qui nous écoutent et apprennent en nous côtoyant. Il s’agit d’une preuve tangible de réconciliation.
Claudine J. En quoi la musique peut-elle participer à ce processus de réconciliation entre les peuples autochtones et non-autochtones, guérir les blessures, participer à une meilleure compréhension de part et d’autre ?
Elisabeth St-G. L’art en général peut susciter toutes sortes d’émotions, y compris celles, insoupçonnées, que l’on ne croit pas posséder en nous. Je crois que c’est ça, la force de l’art : pouvoir guérir des traumas plus grands que nous et se nourrir d’un grand sentiment de compassion.
Claudine J. Ça n’est pas la première fois que vous chantez des compositions de Barbara Assiginaak : comment décririez-vous sa musique ?
Elisabeth St-G. Oui, et je suis très chanceuse ! La musique de Barbara n’est pas simple à apprendre, cependant à l’écoute tout prend son sens. Pour le public, c’est un moment magique car c’est une compositrice au génie absolument phénoménal. Les sons de la nature et les effets que celle-ci produit y sont très présents : son esprit, très engagé envers sa culture anishinaabe est très présente aussi. C’est magnifique et très intelligent.
Claudine J. En tant que soprano innu, pourquoi est-ce important pour vous de mettre l’accent sur vos racines autochtones, et en quoi celles-ci influencent-elles votre art ?
Elisabeth St-G. Je ne crois pas avoir besoin de mettre l’accent sur mes racines autochtone : je suis tout simplement moi-même, et moi-même étant innu de Pessamit, avec ma culture et la force de mes ancêtres qui coulent dans mes veines, ma personnalité artistique en est tintée d’elle-même, sans accent.
Claudine J. Y a-t-il des modèles autochtones qui vous ont influencé durant votre parcours personnel, professionnel et musical ? Croyez-vous vous-même pouvoir être cette influence positive pour les jeunes autochtones aujourd’hui ?
Elisabeth St-G. Je souhaite fortement donner envie à des jeunes des communautés des Premières Nations, Métis et Inuit de poursuivre leur rêve et surtout, de faire en sorte qu’ils et elles croient en eux. Parce que moi je crois en eux : et si je peux le faire, alors ils et elles le peuvent. Les autochtones ont une force plus grande que nature.
Claudine J. Qu’est-ce que cette œuvre signifie pour vous, personnellement, et quelle est son importance pour la musique classique autochtone ?
Elisabeth St-G. La pièce est très touchante, voire même difficile. Son importance pour la musique autochtone se situe au plan de son honnêteté. C’est une pièce qui peut susciter beaucoup de douleur, mais aussi beaucoup de réflexions. Je souhaite qu’elle soit chérie et interprétée avec soin.
Claudine J. L’œuvre a été composée par une femme, sur un texte d’une poète femme. L’œuvre d’art de Georges Segal hébergée au Musée des beaux-arts de Montréal, très sombre et qui a inspiré à la fois le texte et la musique, représente aussi une femme, assise seule sur un lit. Ce « focus » sur les femmes, qu’est-ce que cela vous inspire comme réflexion ?
Elisabeth St-Gelais. Elle m’inspire une réflexion semblable à celle que j’ai concernant la place laissée aux minorités dans le milieu artistique. Il est très important d’entreprendre ce genre de démarche, jusqu’à ce que cela soit ancré dans la normalité. « Normalité » pour moi ne veut pas dire que ce n’est pas spécial, mais simplement que choisir des femmes ou des personnes issues des minorités culturelles afin de gérer et de créer des projets culturels au Canada sera désormais ancré dans nos pratiques.
Écoutez la soprano Elisabeth St-Gelais
Revivez la prestation d'Elisabeth St-Gelais lors du Prix d'art vocal Wirth 2021-2022.
Envie de l'entendre en personne ?